La CSRD entre progressivement en vigueur en France et nécessite dès à présent de la part des entreprises une forte anticipation, qui leur permettra de fournir les documents requis à la date voulue.

Dans cet article du journal Les Echos, Matthieu Deville Cavellin, Associate Partner chez Argon & Co partage son analyse de la CSRD. Il rappelle ainsi :

  • Quelles sont les entreprises concernées par la CSRD, et à partir de quelle date le sont-elles ?
  • Qu’est-ce qui va changer pour elles ?
  • Qu’est-ce qui est analysé par la CSRD ?
  • Comment s’équiper et quel budget prévoir pour aller chercher la donnée, la collecter, la tracer, la stocker, etc. ?

La lecture de cet article, disponible ci-dessous, apportera les réponses à ces questions.

 

CSRD : les entreprises doivent se mettre au rapport

La mise en œuvre de la CSRD et des normes ESRS reste un réel défi pour les entreprises. Il s’agit d’un exercice de transparence bien plus complet et exigeant que celui de la NFRD.

La France a été, le 6 décembre 2023, le premier pays de l’Union européenne à transposer dans son droit national la nouvelle directive européenne CSRD (Corporate sustainability reporting directive). Les premières entreprises concernées – cotées de plus de 500 employés* – par ce nouveau rapport annuel, qui porte sur les données non-financières, devront reporter au 1er janvier 2025 sur leurs données ESG de 2024.

Elles seront suivies en 2026 par les grandes entreprises non cotées qui répondent aux deux critères suivants : un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros, et un bilan d’actifs supérieur à 20 millions d’euros. En 2027 et 2028, ce sera respectivement au tour des PME cotées et à toutes les sociétés excédant 150 millions de chiffre d’affaires de se confronter à la CSRD. Une marche qui ne semble pas si facile à gravir.

« Cette réglementation est peu lisible, très volumineuse, mais quand on en retire la substantifique moelle, on comprend les enjeux, dans la mesure où on va transformer les modèles d’affaires des entreprises. Il y a une volonté de comparer de manière transparente, secteur par secteur, ce que les entreprises font ou ne font pas. La durabilité va devenir un facteur de compétitivité et de rétention des talents », analyse Matthieu Deville Cavellin, Associate Partner au sein du cabinet Argon & Co.

La double matérialité, pilier de la CSRD

Ce challenge demande une forte anticipation compte tenu de sa complexité technique et des interactions nécessaires. Une préparation d’autant plus urgente que les reportings CSRD, organisés autour de quatre rubriques (informations générales, environnement, social, gouvernance), également appelées « normes ESRS » (European sustainability reporting standards), vont exiger une qualité et un volume d’informations sans aucune mesure. Dans la directive CSRD, a été intégrée l’idée selon laquelle la durabilité est non seulement environnementale mais aussi sociale, avec des enjeux de gouvernance. Il est, en effet, question de lutte contre le changement climatique, de consommation d’eau, de biodiversité, de sécurité au travail.

« Toutes les entreprises doivent publier l’ESRS relative aux informations générales qui encadre les principes généraux de l’entreprise, son activité, le marché sur lequel elle évolue. Les autres ESRS, qui portent sur les normes ESG, sont soumises à l’analyse de la double matérialité, à la prise en compte des impacts que leurs activités font peser sur leur environnement, mais aussi sur les risques auxquelles elles sont exposées au niveau de leurs fournisseurs, et de leurs clients », rapporte Matthieu Deville Cavellin.

Déterminer les thèmes essentiels

En d’autres termes, l’analyse de matérialité déterminera sur quels indicateurs ESG l’entité devra communiquer. Pour chacun des sujets ESG, il faut se poser la question de son impact sur la performance économique et regarder aussi l’impact de ces sujets sur ses parties prenantes. « Toute la complexité repose sur l’identification des thématiques où vous avez un impact. La réalisation de cette matrice de double matérialité a pour objectif de réduire le nombre des indicateurs à publier, car la règlementation en compte 1.200. Une entreprise va publier les indicateurs uniquement pour les sujets qui sont matériels, significatifs », explique Alan Fustec, président fondateur du cabinet Goodwill-management.

Si l’entreprise considère qu’un sujet n’est pas matériel, elle n’aura pas à communiquer d’informations sur ce dernier. Selon les premières évaluations qui ont été faites, une société va devoir reporter autour de 300 à 500 items en fonction du secteur et de sa taille. Les deux tiers des données à insérer dans le reporting de durabilité sont qualitatives. Des informations sur la nature des enjeux, les plans d’action, les objectifs, mais aussi les méthodologies qui ont permis de déterminer ces éléments devront être reportées. Les autres données seront quantitatives.

Charge aux entreprises d’insérer des indicateurs de résultat, comme les tonnes de CO2 émis, la part des hommes et des femmes, des travailleurs handicapés dans les effectifs, le nombre d’accidents du travail, leur taux de fréquence. Un travail colossal. « C’est une grosse différence par rapport à la déclaration de performance extra-financière , la précédente norme. Il suffisait jusqu’à présent de mettre en avant dans son rapport annuel des belles réalisations qui ne concernaient parfois que 1 % du chiffre d’affaires, et à mettre des indicateurs en dernière page. Avec le rapport de durabilité, qui va être publié sur une plateforme européenne, il faut être lucide sur le fait que les entreprises vont être suivies sur ce qu’elles font, et vont devoir montrer qu’elles progressent. On passe d’une exigence molle à un engagement de résultat sur la performance des entreprises », ajoute Alan Fustec.

Dégager un budget pour automatiser la collecte

Autre sujet épineux : le choix des outils. Ce nouveau cadre nécessite de gérer un volume important de données pour les directions financières et RSE. « Certaines entreprises n’ont jamais réuni les données ESG de base comme un bilan carbone. Le défi est d’aller chercher la donnée, la collecter, de créer les canaux de communication en interne et avec les fournisseurs, de les tracer et les stocker, confesse Mathieu Deville Cavellin. Les entreprises vont devoir forcément dégager un budget, qui peut aller de 20.000 pour les structures très matures à 100.000 euros. »

L’offre du marché est en la matière assez significative. Certains éditeurs de logiciels de reporting extra-financier sont ainsi déjà bien installés, comme Tennaxia , Sweep, Novisto, Karbonpath ou Greenscope . D’autres proposent des solutions plus spécialisées dans l’expertise bilan carbone à l’instar de Greenly. Les gros acteurs du marché comme Cegid ont récemment déployé un module de collecte de la data financière et extra-financière.

*Y sont précisément soumises les SA, SCA cotées 20 millions euros d’actifs ou 40 millions de chiffre d’affaires et si plus de 500 salariés + les SA, SCA non cotées lorsque 100 millions d’actifs ou 100 millions de chiffre d’affaires et si plus de 500 salariés).

Article de M. Lalanne pour Les Echos, paru le 21/05/24

 

Lire l’article sur le site des Echos 

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