L’industrie laitière représente près de 4 % des émissions mondiales de GES. Face à la pression réglementaire et aux attentes des consommateurs, la durabilité n’est plus une option, mais un impératif stratégique. Les entreprises laitières qui ne parviennent pas à adopter des pratiques responsables risquent de perdre la confiance des consommateurs, d’autant plus que l’industrie laitière mondiale fait l’objet d’une surveillance accrue en matière de durabilité de ses activités. Mais que peuvent faire les entreprises laitières pour améliorer leurs pratiques en matière de durabilité ?
Les produits laitiers constituent un groupe alimentaire riche en nutriments, mais leur empreinte environnementale est plus importante que celle de nombreuses autres sources de protéines lorsqu’on la mesure par unité nutritionnelle fournie. La majeure partie de cette empreinte est générée au niveau des exploitations agricoles, où les émissions provenant du bétail, de la production d’aliments pour animaux et de la gestion du fumier représentent ensemble bien plus de la moitié des émissions totales du cycle de vie. Parmi les facteurs les plus importants de l’empreinte environnementale des produits laitiers, on peut citer :
Par rapport aux alternatives végétales, les recherches montrent que le lait de vache génère environ trois fois plus de GES par litre et a l’empreinte hydrique la plus élevée de tous les laits couramment consommés. Le lait d’amande, bien que très gourmand en eau (environ 74 litres par verre), utilise tout de même beaucoup moins d’eau que le lait de vache. Ces différences environnementales influencent de plus en plus les préférences des consommateurs conscients, qui sont à l’origine de la demande pour des produits laitiers et des alternatives à moindre impact.
Les entreprises sont confrontées à la nécessité d’intégrer des pratiques plus durables, plus résilientes et plus circulaires dans leurs activités.
Par exemple, en vertu du règlement européen sur la déforestation (EUDR1), les entreprises qui s’approvisionnent en bétail, en soja et en huile de palme doivent s’assurer que leurs chaînes d’approvisionnement sont exemptes de déforestation d’ici décembre 2025 pour les grandes entreprises et d’ici juillet 2026 pour les moyennes et petites entreprises. La déclaration des émissions de scope 3 devient également la norme dans le cadre de dispositifs tels que le CSRD2 de l’UE, tandis que des initiatives volontaires telles que le TNFD3 encouragent les entreprises à évaluer et à rendre public les risques liés à la nature.
Les attentes des investisseurs et des détaillants évoluent également. Les objectifs scientifiques, en particulier ceux qui sont alignés sur les directives SBTi FLAG4, deviennent la norme. Fonterra, par exemple, vise à ce que plus de 78 % de ses fournisseurs et clients aient validé des objectifs scientifiques d’ici 2028. Les détaillants recherchent également de plus en plus la traçabilité, les données sur les émissions et les engagements en matière d’approvisionnement régénératif de la part de leurs fournisseurs.
L’évolution des préférences des clients est un autre facteur qui influence la prise de décision dans le secteur laitier. La demande d’options laitières plus durables est en hausse, et les références en matière de durabilité jouent un rôle de plus en plus important dans les décisions d’achat. Les entreprises qui ne s’adaptent pas risquent de perdre leur pertinence sur un marché de plus en plus axé sur les valeurs.
Pour répondre à l’évolution des préférences des clients et aux exigences réglementaires, les entreprises laitières ont déjà pris des mesures pour améliorer leur durabilité.
Réduire les émissions de méthane
Dans l’ensemble du secteur, les entreprises investissent dans toute une série de stratégies visant à réduire leur empreinte environnementale, la réduction des émissions de méthane étant une priorité absolue. L’utilisation d’additifs alimentaires, tels que Bovaer, est une option prometteuse. Les essais de Bovaer dans les fermes Danone en Belgique montrent une réduction des émissions de méthane entérique de près de 20 %, tandis que des essais similaires chez Arla font état de réductions pouvant atteindre 30 %.
D’autres approches visant à réduire les émissions de méthane consistent à améliorer la composition des aliments pour animaux afin de réduire la fermentation et à investir dans des digesteurs anaérobies qui transforment le fumier en biogaz, ce qui permet à la fois de réduire les émissions et de produire de l’énergie renouvelable.
Promouvoir les pratiques agricoles régénératrices
En améliorant la santé des sols, en augmentant la biodiversité et en renforçant la rétention d’eau, les pratiques régénératives offrent toute une série d’avantages environnementaux et économiques. Nestlé, par exemple, travaille avec plus de 500 000 agriculteurs pour mettre en œuvre des pratiques régénératives telles que le pâturage multi-espèces, les cultures de couverture et le recyclage des nutriments, et a jusqu’à présent engagé 1,2 milliard de francs suisses pour soutenir cette transition. Nestlé offre également des incitations financières aux agriculteurs qui respectent les critères de durabilité.
Nous considérons que les structures coopératives tout au long des chaînes d’approvisionnement constituent un moyen important pour les entreprises de diffuser les pratiques régénératrices, la coopération et la motivation des agriculteurs étant essentielles pour favoriser un changement systémique. Par exemple, la structure coopérative d’Arla permet une collaboration étroite et continue avec ses agriculteurs-propriétaires. Grâce à son outil FarmAhead™, Arla recueille des données détaillées sur la durabilité auprès de ses agriculteurs et alloue jusqu’à 500 millions d’euros par an pour encourager les pratiques durables. Ces données constituent la base du programme FarmAhead™, qui récompense les agriculteurs pour leurs actions telles que l’amélioration de l’efficacité alimentaire, l’amélioration de la gestion du fumier et la promotion de la biodiversité.
S’approvisionner en énergie de manière responsable
Les entreprises s’éloignent également de plus en plus des combustibles fossiles pour se tourner vers les énergies renouvelables. Nestlé et Fonterra sont deux exemples d’entreprises laitières qui se sont tournées vers les énergies renouvelables. Nestlé indique que plus de 95 % de l’électricité consommée sur ses sites provient désormais de sources renouvelables. Ces initiatives, parmi d’autres, ont permis à Nestlé de réduire ses émissions de GES de 13,5 % depuis 2018, dont une réduction de 15,3 % du méthane.
Promouvoir les emballages circulaires et réduire le gaspillage alimentaire
Comme dans tous les secteurs de l’alimentation et des boissons, les emballages et le gaspillage alimentaire représentent des défis environnementaux majeurs pour les producteurs laitiers. Les formats d’emballage traditionnels, tels que les bouteilles en plastique et les cartons multicouches, sont souvent difficiles à recycler et contribuent à la pollution des décharges et des océans. Des entreprises telles que Nestlé et Arla font progresser l’emballage durable grâce à des conceptions recyclables, réutilisables et légères. Nestlé annonce déjà que 86,6 % de ses emballages sont désormais recyclables, tandis qu’Arla vise une recyclabilité à 100 % d’ici la fin 2025.
Les directeurs d’exploitation des entreprises laitières doivent agir dès maintenant pour continuer à gagner la confiance de leurs parties prenantes. Les investissements stratégiques dans des outils de traçabilité et de collecte de données, tels que FarmAhead™ d’Arla, sont de plus en plus importants pour suivre les émissions, la consommation d’eau et les indicateurs de bien-être animal tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Le soutien aux projets pilotes d’agriculture régénérative et la mise à l’échelle des modèles efficaces devraient constituer un autre domaine prioritaire, ce qui impliquera un financement et une collaboration étroite avec les agriculteurs, les chercheurs et les ONG.
Enfin, la collaboration tout au long de la chaîne de valeur est essentielle. Des fournisseurs d’aliments pour animaux aux détaillants, l’alignement sur les objectifs et les indicateurs de durabilité grâce à des incitations communes favorisera les progrès. Les entreprises doivent également se préparer aux risques climatiques par la planification de scénarios, la diversification et l’investissement dans l’approvisionnement local et les infrastructures.
L’impact environnemental des produits laitiers est réel, mais le potentiel de transformation l’est tout autant. De la réduction des émissions de méthane à l’agriculture régénérative, les outils et les stratégies sont déjà en place. Les entreprises qui agissent dès maintenant réduiront non seulement les risques, mais créeront également de la valeur ajoutée, tant en termes d’efficacité opérationnelle que de confiance dans la marque.
La durabilité n’est pas un coût, c’est un avantage concurrentiel. La question n’est plus de savoir si l’industrie laitière doit changer, mais à quelle vitesse elle peut montrer la voie.
Chez Argon & Co, nous aidons les entreprises à se transformer et à s’adapter à des modes de fonctionnement plus durables. Découvrez comment nous pouvons vous aider dès aujourd’hui.
Il s’agit du troisième article de notre mini-série intitulée « L’avenir des produits laitiers : comment la technologie, le commerce et la transformation peuvent stimuler les performances dans un secteur en mutation ».
Pour en savoir plus, cliquez ici :
Article 1 – Connectées, agiles, informées : la prochaine génération de chaînes d’approvisionnement laitières
Prochain article à ne pas manquer…
Article 4 – L’évolution du commerce mondial des produits laitiers : un regard vers l’avenir
1 EUDR : European Union Deforestation Regulation (Règlement européen sur la déforestation). Il impose aux entreprises de garantir que certains produits (bœuf, soja, huile de palme, cacao, café, bois, caoutchouc) ne proviennent pas de zones déforestées.
2 CSRD : Corporate Sustainability Reporting Directive (Directive européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité). Elle remplace la NFRD et impose un reporting extra-financier harmonisé pour les grandes entreprises.
3 TNFD : Taskforce on Nature-related Financial Disclosures. Initiative mondiale visant à fournir un cadre pour évaluer et divulguer les risques et opportunités financiers liés à la nature et à la biodiversité.
4 SBTi FLAG : Science-Based Targets initiative – Forest, Land and Agriculture. Méthodologie sectorielle pour fixer des objectifs de réduction des émissions liés à l’agriculture, aux forêts et à l’usage des terres, incluant un engagement zéro-déforestation.