Alors qu’une véritable prise de conscience semblait avoir durablement secoué les entreprises, en particulier dans les secteurs à forts enjeux santé (agroalimentaire, cosmétiques, FMCG…) ou image (mode, luxe) et que nous pensions que la transformation environnementale était inéluctable, la crise actuelle pourrait remettre en cause, ou tout au moins fragiliser, trois piliers majeurs de cette transformation.
Si, une fois sorties de la crise, les entreprises vont réinventer leur business model, il existe un risque que cela se fasse au détriment de l’environnement. C’est dans cette période exceptionnelle que les dirigeants, les consommateurs et les politiques doivent faire preuve de vision long terme et de ténacité dans leurs convictions. Pour les investisseurs et les entreprises, ce choix s’est déjà révélé payant dans la crise actuelle : il a été par exemple mesuré que les meilleures entreprises selon des critères ESG (Environnement Sociaux et de Gouvernance) ont récemment surperformé en Bourse1…
Cet article évoque 3 piliers de la transformation environnementale qui semblent à risque.
Dans l’économie d’hier, les coûts de production ne cessaient de progresser en Chine. Les ports asiatiques étaient parfois saturés, avec un baril de pétrole autour 80$ et une forte demande, les coûts de transport augmentaient ainsi que l’ensemble des dérivés pétrochimiques. Beaucoup de matières premières devenaient pénuriques. Pour les entreprises, repenser la conception, le sourcing et la production des produits devenait indispensable. Si des industriels quittaient la Chine pour des pays limitrophes, moins chers, d’autres prenaient des décisions plus radicales de relocalisation en Europe voire en France.
Le Business Case sourcing asiatique n’était plus si attractif. A contrario, les enjeux d’agilité et de réactivité face à une demande volatile accéléraient le retour du nearshore.
En parallèle, les initiatives d’éco-conception se généralisaient, haro sur le plastique, surtout non recyclé, retour des matières naturelles et nobles.
Cette transformation environnementale était portée par un argument de poids : c’est économiquement viable !
Si d’un point de vue risque Supply, la crise a mis en avant les limites de la stratégie « tout Asie » et pourrait faire penser que la tendance de retour en Europe va s’accélérer, d’un point de vue économique court-terme, ce n’est pas si évident.
En effet, cette équation peut vite changer. Avec un baril de pétrole à 20$, les coûts de transport vont redevenir extrêmement compétitifs. Par ailleurs, pour les secteurs industriels consommateurs de plastique, le recyclé n’est plus aussi compétitif et plusieurs industriels ont décidé de sourcer de nouveau du plastique vierge. Enfin, avec une chute de la demande mondiale, pour faire tourner leurs usines, certains pays pourraient lancer des politiques massives de dumping. N’y aura-t-il pas la tentation de repartir acheter à l’autre bout de la terre ? Avec la crise, les usines européennes auront moins de cash pour investir et se moderniser. L’industrie européenne risque de perdre en compétitivité et l’Asie de reprendre des parts de marché.
Dans les prochains mois, les choix de stratégies industrielles des entreprises seront critiques pour la transformation environnementale. Les considérations économiques à court-terme devront bien être mises dans la balance avec les enjeux de résilience de la Supply Chain mais aussi d’image auprès des consommateurs.
Ces dernières années, les consommateurs, et surtout les populations les plus jeunes, ont « incité » les entreprises à accélérer leurs initiatives environnementales. Pour de nombreuses marques, leur survie passait par une remise en cause profonde de leurs produits et processus de production.
De nombreuses tendances se sont accélérées au cours de la période récente : maîtrise qualité des filières, moins de plastique, plus de naturalité, des productions raisonnées et locales. Le « Made in France », le bio, le vegan, autant d’arguments de vente qui ont fait mouche. Mais ces valeurs vont-elles résister à la crise avec une baisse attendue du pouvoir d’achat ? Sans doute peut-on s’attendre à une situation assez polarisée, avec des consommateurs sensibilisés aux enjeux environnementaux renforcés dans leurs convictions, achetant moins et des produits de meilleure qualité, et d’autres, souvent les plus durement touchés par la crise, qui auront envie de consommer davantage mais seront encore plus sensibles au prix. La guerre des prix pourrait donc s’intensifier sur certains segments de marché (dans des secteurs comme l’agroalimentaire, les biens de consommation courante ou encore le Retail) et cela pourrait se faire au détriment de la qualité intrinsèque et de l’impact environnemental des produits proposés. Dans les prochains mois, les signaux que les consommateurs enverront aux industriels seront là aussi critiques pour la transformation environnementale.
Via leurs aides, les états ont beaucoup encouragé directement ou indirectement les entreprises dans leur transition environnementale. De même, les lois et circulaires ont forcé les industriels et les distributeurs à changer leurs habitudes : listes de produits interdits, évolutions des normes, nouveaux labels. L’état a réussi à imposer des avancées malgré des lobbies d’industriels opposés qui mettaient en avant les risques sur la rentabilité des acteurs et indirectement sur l’emploi.
Dans un contexte économique en crise, avec des perspectives sur l’emploi sombres, les priorités politiques pourraient changer. Des demandes d’ajustement du « Green Deal », le programme de transition écologique de l’UE, ont ainsi déjà été formulées par certains gouvernements (République Tchèque) et acteurs économiques, comme l’European Plastics Converters (EuPC), le syndicat patronal européen Business Europe ou encore le MEDEF. Dans le même temps, les appels à des plans de relance « verts » se sont aussi multipliés à différents niveaux ces dernières semaines, y compris parmi des acteurs privés. Avec notamment plus de 90 patrons de groupes français et étrangers mobilisés pour faire de la reprise économique un accélérateur de la transition écologique. Les pouvoirs politiques doivent dans tous les cas rester sur leur ligne de conduite et imposer que leurs soutiens financiers se fassent au regard de vraies contre parties environnementales. Sinon, c’est le troisième pilier de la transformation environnementale qui est en danger.
Au sein d’Argon & Co, nous œuvrons pour que les enjeux de compétitivité ne se fassent pas au détriment de la transformation environnementale. Nous aidons nos clients industriels et distributeurs à :
(1) Les échos, d’après une étude de Bank of America Merrill Lynch. « Les indices ESG ont surperformé leurs indices de référence depuis le début de l’année et les 50 titres les plus surpondérés par les fonds ESG ont surperformé les titres les plus sous-pondérés de plus de 10 points »